vendredi, novembre 23, 2007

C'est mauvais chez Lip, je sais pourquoi!

Lip est une célèbre et très belle brasserie de Saint-Germain des Près, que l'on connaît pour son décor et sa clientèle élégante (politiques, comédiens…). Plus rares sont ceux qui vantent la qualité de sa cuisine. Il est vrai qu'elle a toujours été quelconque et qu'elle est aujourd'hui franchement médiocre. Ce qui commence à se savoir. Devant me donner rendez-vous dans ce quartier, un ami me dit il y a quelques jours : "surtout pas chez Lip, c'est trop mauvais." Je comprends aujourd'hui mieux pourquoi.

Passant hier devant cette brasserie un peu avant 10 heures, j'ai vu un livreur y entrer avec quelques centaines de kilos de frites Mc Cain, ce fournisseur qui a commencé sa carrière en livrant Macdo et Quick.

Lip n'est certainement pas seul dans son cas. Il suffit de se promener dans les rayons alimentaires d'un Metro, ces grandes surfaces réservées aux professionnels, pour perdre l'envie d'aller au restaurant pendant quelques jours. Mais comment un restaurateur qui a son débit (Lip est plein midi et soir) et ses prix (ses repas, sans être à des prix extravagants, ne sont pas donnés) peut-il sous-traiter la fabrication de ses frites quand il est si simple, avec les matériels existants, de les faire sur place? Il n'y a qu'une réponse : il se moque de la qualité de ce qu'il met dans les assiettes de ses clients.

mercredi, novembre 21, 2007

Pour les étudiants qui craignent la privatisation : la solution Friedman présentée en chantant

Pour tous ces étudiants qui craignent la privatisation de leur université, j'ai trouvé sur Youtube cette petite chorale qui devrait les mettre en joie (ou plutôt les conforter dans leurs craintes). Je ne sais pas très bien d'où cela vient, mais ce petit film a quelques années et Milton Friedman s'est manifestement prêté de bonne grâce au jeu, ce qui est d'autant plus méritoire que c'est peut-être un peu moqueur.



En tout cas, c'est charmant.

mardi, novembre 20, 2007

Pourquoi les étudiants sont-ils encore en grève?

Cette énième grève étudiante ne porte évidemment pas sur la réforme Pécresse qui intéresse l’administration des universités, éventuellement quelques enseignants mais peu les étudiants comme le montrent leurs slogans sur le Medef, la privatisation qui n’ont pas grand chose à voir avec les projets du gouvernement. En témoigne, d’ailleurs, l’attitude de l’Unef qui suit, aujourd’hui, ses troupes mais qui ne trouvait, hier, peu à redire à cette réforme.

Alors, pourquoi ces mouvements, ces blocages de faculté? Il faut, je crois, faire la part de la déprime chronique, je devrais dire dépression des étudiants qui y travaillent. Une déprime liée à un système particulièrement pervers.

On parle tout le temps de sélection que l’on présente comme un chiffon rouge capable de mettre les universités à feu et à sang, mais 40% des étudiants sont aujourd’hui dans des filières sélectives (classes préparatoires, grandes écoles, médecine, IUT…) d’autant plus exigeantes que la sélection n’est pas généralisée. Il n’est pas d’étudiant qui ait quelques bonnes notes qui n’ait tenté d’entrer dans l’une de ces filières. Et c’est seulement parce qu’il a été retoqué qu’il va à l’université.

Aussi déplaisant que cela puisse paraître de le dire, les étudiants qui fréquentent aujourd’hui les facs ont été, le plus souvent, refusés dans les filières les plus sélectives. Ce qui ne signifie pas qu’ils soient nuls (on est d'autant plus facilement retoqués que les filières sélectives sont inutilement sélectives), mais ils ont connu un premier échec et vivent la fac comme un pis-aller. Ils s’y retrouvent dans un milieu très particulier :

- avec des enseignants qui n’attendent rien d’étudiants qu’ils jugent en privé sévèrement (quand ils ne les méprisent pas tout simplement), qui ne leur demandent pas grand chose, ce qui est la meilleure manière de leur faire savoir qu’ils ne valent pas grand chose. Ce qui est vrai des enseignants l’est également de l’administration qui ne se soucie guère de vérifier la présence aux cours. Vient qui veut, c’est la liberté, mais cette liberté que l’on vous accorde sans qu’on l’ait demandée crée de l’anxiété ;

- avec un système d’orientation inexistant qui amène les étudiants à choisir au petit bonheur la chance des disciplines qui souvent les déçoivent (qui leur a, par exemple, dit que les études de psychologie comportaient des enseignements de statistiques, que la philosophie est une discipline très technique, que l’on ne peut être un bon sociologue si on ne maîtrise pas les techniques quantitatives?). D’où des changements d’orientation fréquents qui se traduisent par des pertes de temps,

- avec des camarades qui travaillent pour payer leurs études, ce qui est la recette assurée pour tout rater, et ses études (dans lesquelles on n’investit pas puisque l’on est fatigué d’avoir travaillé) et sa carrière professionnelle (puisque le travail n’est qu’un pis-aller pendant que l’on fait ses études).

Dans ce contexte d’abattement et de mélancolie, toute réforme est vécue comme un risque de voir se dégrader une situation dont chacun sent bien qu’elle n’est pas viable et qu’elle ne mène à rien. D’où des mouvements de protestation qui prennent une tournure d’autant plus vive que seuls des comportements “extrêmes”, comme aujourd’hui le blocage des facs, peuvent donner vie à des revendications qui passeraient autrement complètement inaperçues (des grèves d’étudiants sans blocage seraient vite assimilées à une montée de l’absentéisme).

Les seuls à s’en sortir sont les militants qui trouvent dans ces événements l’occasion de faire l’apprentissage de la politique (des techniques de la politique) et de construire les réseaux qui leur seront utiles plus tard dans leur carrière (combien de leaders des mouvements étudiants, de gauche comme de droite, qui se retrouvent quelques mois plus tard dans des positions avantageuses dans les partis politiques, dans les lieux de pouvoir, dans les médias?).

On parle beaucoup de réformes de l’enseignement supérieur, mais elles devraient d’abord tenter de lutter contre cette dépression chronique des étudiants.

vendredi, novembre 16, 2007

Philippe Beaussant à l'Académie Française

C'est la République des lettres qui me l'apprend : Philippe Beaussant vient d'être élu à l'Académie française. Il se trouve que je l'ai connu dans les années 70, au tout début de sa carrière, quand il essayait (sans grand succès) de faire publier son Lully et qu'il partageait, de manière plutôt éberluée, son temps entre France Musique et la Sodeteg, une filiale de Thomson qui nous employait tous deux.

Nous savions tous que son avenir n'était pas dans l'ingénierie même s'il ne se débrouillait pas si mal que cela dans l'organisation de la petite équipe de jeunes ingénieurs post 68 et de vieux militaires en semi retraite qu'on lui avait confiée. Il avait une manière particulièrement insolite de susciter notre sympathie : il avait en permanence des problèmes avec les autorités qui nous le rendaient infiniment sympathique. Je me souviens, notamment, d'un incident plaisant : une des photocopieuses (c'était le début de ces machines, elles étaient alors rares) était tombée en panne, avait même un peu pris feu. Personne, naturellement, ne savait ce qui s'était passé. Jusqu'à ce que le technicien découvre, dans la machine des copies d'une page de partition (sans doute de la musique baroque) à demi-calcinée. Le coupable était désigné, lui seul dans l'entreprise pouvant avoir l'idée saugrenue de faire des photocopies de partitions, mais plutôt que de le réprimander, tout le monde a souri et fermé les yeux devant cette incongruité.

Je me souviens également de la manière dont il nous jugeait. Lorsque j'avait été recruté, notre patron, Jean Girerd, un physicien qui enseignait au CNAM, lui avait demandé de lire ma thèse, ce qu'il avait probablement fait à très grande vitesse, j'ai rapidement compris qu'il trouvait que je m'étais un peu trop laissé aller à la mode d'alors (structuralisme, Tel Quel), ce qui était, bien sûr, très juste.

Un peu plus tard, parlant du texte d'un de nos collègues, autre physicien, spécialiste, si je me souviens bien, de particules un peu bizarres, il lui avait dit que sa culture classique se devinait à ce qu'il construisait ses phrases comme le faisaient les auteurs latins. Compliment? critique implicite? je n'ai jamais su. Pour ma part, je l'aurais plutôt pris pour un compliment même si la phrase latine m'a toujours paru un peu lourdaude.

J'ajouterai, pour terminer, que Philippe est probablement le premier académicien qui ait jamais participé à la construction d'un PERT. Cela se fête.

mardi, novembre 13, 2007

Les voyages de Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy bouge beaucoup comme on peut le voir sur cette carte créée par Paul A :


Agrandir le plan

Il n'est pas le premier, Mitterrand voyageait aussi beaucoup, quoique probablement à un rythme moins endiablé. Mais cette carte est en elle-même intéressante. Elle trace assez bien la géographie mentale de notre Président, son tropisme américain, sa présence en Europe continentale (il ne va pas au Nord de l'Europe, peu en Russie), son intérêt pour l'Afrique et son manque d'intérêt pour l'Asie, l'Amérique latine, c'est-à-dire pour les pays émergents.

Il ne faut sans doute pas tirer de cette carte plus qu'elle ne peut dire (il n'est après tout qu'au tout début de son septennat) mais on aimerait lui conseiller de rééquilibrer ses déplacements, de se préoccuper un peu plus du monde qui se développe si vite.

mardi, novembre 06, 2007

Sarkozy et les pêcheurs

J'aimerais parler d'autre chose (et je le fais, puisque j'ai ce matin, à la radio, parlé du désir d'enfants et du pétrole), mais Nicoals Sarkozy est tellement présent dans les médias et de manière si provocante qu'il est difficile de rester silencieux. Cette fois-ci ce sont les marins-pêcheurs.

Disons-le tout de suite : aller sur le terrain ne manque pas de panache. C'est courageux, mais c'est aussi dangereux. On risque à tout moment les dérapages, les postures viriles façon bagarres d'ivrognes ou, si l'on est plus indulgent, cour d'école (viens te battre si tu as le courage) qui n'ont pas manqué. Et à quoi bon ces positions ultra-viriles si c'est pour, en définitive, céder aux revendications? Voire, comme cela s'est produit cette fois-ci faire pire : insulter l'avenir.

Car si l'on y regarde de près, c'est bien de cela qu'il s'agit. Non seulement, on ne fait pas confiance au marché (après tout, si le prix du gazole augmente, le prix du poisson devrait suivre), mais on imagine des solutions qui coûtent cher (21 millions d'euros par trimestre, ce qui doit représenter des tonnes de gazole) et qui sont dangereuses. Pourquoi exonérer totalement de charges sociales les marins-pêcheurs et pas, demain, n'importe quelle catégorie en proie à des difficultés? J'imagine assez bien les taxis, les transporteurs, les artisans, les commerçants, tous ceux qui utilisent des produits pétroliers se dire : "et pourquoi pas moi?"

Et comme ces charges sont des cotisations sociales, qui servent à financer l'assurance maladie, l'assurance vieillesse, l'allocation chômage… il faudra bien que quelqu'un paie. Mais qui? Les particuliers avec la TVA sociale? ou les allocataires avec des baisses de prestations?

lundi, novembre 05, 2007

Boileau conseiller financier?

On se souvient tous de Boileau et de ce qu'il dit dans son art poétique de l'expression :
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Et bien, les financiers américains ne sont pas loin de penser la même chose comme en témoignent ces remarques de Mark Sellers, le responsable d'un hedge fund, devant les étudiants de Harvard telles que les rapport Greg Mankiw sur son blog :
As an investor, you need to perform calculations and have a logical investment thesis. This is your left brain working. But you also need to be able to do things such as judging a management team from subtle cues they give off. You need to be able to step back and take a big picture view of certain situations rather than analyzing them to death. You need to have a sense of humor and humility and common sense. And most important, I believe you need to be a good writer. Look at Buffett; he's one of the best writers ever in the business world. It's not a coincidence that he's also one of the best investors of all time. If you can't write clearly, it is my opinion that you don't think very clearly.
Comme il est peu probable que ce financier et Warren Buffet aient lu notre poète (qui l'a lu chez nous?), on peut penser qu'il s'agit plus simplement d'un principe universel : l'écriture reflète la manière dont chacun construit sa pensée, articule et ordonne ses idées.

vendredi, novembre 02, 2007

Laporte, ah Laporte…

On savait Bernard Laporte un risque pour le gouvernement. Cela se confirme d'après Le Monde d'aujourd'hui où l'on apprend qu'il est soupçonné de délit de favoritisme dans une affaire où il aurait tenté de monnayer ses amitiés avec Nicolas Sarkozy contre des actions dans un casino. Le même jour on apprenait que Maud Fontenoy autre amie de Nicolas Sarkozy jetait l'éponge et refusait le poste de secrétaire d'Etat à la jeunesse qu'on lui proposait. Elle a raison : elle évitera ainsi quelques déconvenues cuisantes, genre curiosité malsaine des journalistes, des juges et des inspecteurs du fisc.

Les bienveillantes

Vacances aidant, je viens de terminer Les bienveillantes, le pavé de 894 pages de Jonathan Littell. Première remarque : je n'ai pas eu à me forcer pour aller au bout du livre, intéressant de bout en bout, même s'il me semble un peu raté.

Il y a, dans ce livre, d'excellentes choses. Il nous donne une description de la solution finale vue de l'intérieur, absolument passionnante, avec les réactions d'horreur, les moments de doute des acteurs les plus engagés. Ce livre nous aide à comprendre ce qui s'est passé mieux que bien des analyses. Le lecteur qui n'est pas un spécialiste se laisse prendre et est éberlué par la masse de documentation manipulée. A plusieurs reprises, on s'interroge, on se demande s'il s'agit de la vérité ou de fiction, comme lorsque le narrateur rencontre dans un bar un "professionnel" de l'extermination un peu déprimé qui lui raconte qu'on lui avait demandé, sur le front russe, d'éliminer les blessés allemands que l'on ne pouvait pas transporter. On aimerait presque avoir des notes qui nous confirment que cela s'est bien passé de cette manière.

Ce livre avait tout pour être à la solution finale ce que Les Dieux ont soif d'Anatole France est à la Terreur et à la Révolution française : une formidable plongée dans son quotidien, dans son épaisseur grâce à l'outil romanesque. Il ne l'est malheureusement pas complètement.

On peut d'abord, mais c'est un détail, regretter son écriture. Les 100 premières pages du livre sont à peu près intolérables tant les exécutions en Ukraine qu'elles racontent sont abominables. Intolérables mais un peu plates : on n'est pas chez Céline, on n'entend pas le tonnerre même si l'on partage l'horreur du narrateur.

On peut surtout, et c'est beaucoup plus gênant, regretter le portrait du narrateur. L'auteur en fait un homosexuel, incestueux, lecteur de Maurice Blanchot et des poètes français du 16ème siècle, soit tout le contraire de ces hommes ordinaires qui ont fait le nazisme. Ce parti pris donne à l'auteur l'occasion d'écrire des scénes érotiques et fantasmées bien venues (ce sont, sans doute, sur le plan littéraire les plus convaincantes, les plus personnelles, les plus habitées), mais choisir un narrateur plus banal lui aurait permis d'éclairer les mécanismes psychologiques qui ont transformé en assassins des gens qui auraient mené des vies sans histoire dans un autre contexte historique. C'est d'autant plus dommage que l'on devine à de nombreuses reprises que l'auteur avait la capacité de traiter de ces questions, comme lorsqu'il, comme lorsqu'il s'interroge sur le rôle de la religion chez les Allemands qui ont résisté.

Je ne suis pas le premier à faire cette critique. Je dirai que c'est, d'une certaine manière l'ambition littéraire de l'auteur, sa volonté d'écrire des pages fortes, à l'image de Bataille qu'il a, je crois, traduit en anglais, qui lui joue un mauvais tour.

jeudi, novembre 01, 2007

660 000€ de redressement fiscal

660 000€. C'est, d'après Marianne (repris par d'autres journaux dont le Nouvel Obs et confirmé par le principal intéressé) le montant du redressement que l'administration fiscale a imposé en mai dernier à Stéphane Richard, quelques jours avant sa nomination comme directeur de cabinet de Christine Lagarde.

Scandale? Il ne semble pas que cela en prenne l'allure. Reste que l'on peut se poser quelques questions :

- est-il, d'abord, "sain" (et j'emploie un euphémisme) de nommer à un poste aussi stratégique au Ministère de l'économie et des finances quelqu'un qui a triché et tout fait, pendant plusieurs années, pour échapper à l'impôt? Ne vaudrait-il pas mieux nommer quelqu'un qui ait fait preuve, dans sa vie personnelle et professionnelle, d'un minimum d'éthique et qui se soit imposé le respect des règles même lorsque celles-ci sont douloureuses?

- qu'est-ce qui peut inciter quelqu'un capable de gagner des sommes qui autorisent ces tricheries à prendre un poste qui rapporte somme toute assez peu? Difficile de ne pas voir les risques de dérives (corruption sous soutes ses formes) que ce type de nomination peut entraîner ;

- comment éviter les conflits d'intérêt (et Marianne suggère qu'il y en a eu un) ;

- quel sens peuvent enfin avoir les difficultés quotidiennes des Français moyens pour des gens capables de payer 660 0000€ en redressement fiscal?